Ce motif de consultation est très fréquent. Dans ma pratique professionnelle, il s’agit plus fréquemment d’hommes jeunes (20-30 ans), mais des hommes plus âgés et des séniors demandent également à être accompagnés dans la résolution de ce « problème ». La majorité des études estime la prévalence de ce symptôme entre 20 et 30% de la population générale (étude publiée par Konstantinos Hatzimouratidis dans la revue « European Urology » en Mai 2010). Pour le DSM (livre de nomenclatures des troubles médicaux) le diagnostic du trouble est établi selon la gravité (légère, modérée, sévère ou avant toute pénétration), et la souffrance générée à l’individu. Ce dernier point peut être difficile à aborder, car la notion de souffrance est quelque chose de subjectif, et qui doit être reconnu par le patient lui-même, afin qu’il s’autorise à venir consulter.
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L’Ejaculation Précoce, un problème d’hommes ou de couples ?
L’évolution de la sexualité dans notre société a induit le passage de ce motif au premier plan des plaintes sexuelles des hommes, et surtout de leurs partenaires. En effet, l’amélioration de l’accès à l’information sexuelle et la libération sexuelle initiée il y a plus de 50 ans ont fait évoluer la façon de se regarder, se ressentir et parfois attendre ou exiger de l’autre une sexualité plus « performante », plus jouissive, qui débouche sur plus de plaisir et d’orgasme. Ce phénomène ne touche pas que les hommes, mais également les femmes qui sont attendues sur plus de « compétences » sexuelles, plus de libération des mœurs et des pratiques.
L’orgasme est un phénomène physiologique avant tout personnel. Mais si l’on confie au partenaire le soin de l’accompagner, il est bien qu’il « arrive à l’heure », et non pas en avance, sous peine de rester sur sa « faim / fin » … On attend donc des hommes un délai suffisamment long, voire, l’influence de la pornographie n’étant pas étrangère à ce concept, qu’ils deviennent des « performeurs sexuels ». Il me semble important de rappeler ici que les vidéos à caractère pornographique relèvent d’une industrie audiovisuelle avec ses outils (utilisation de produits pour augmenter les performances des acteurs) et méthodes telles que les coupures au montage et / ou mise dans un certain ordre des plans-séquence pour laisser croire que le rapport sexuel dure 30 min.
Finalement, c’est quoi l’Ejaculation Précoce ?
L’origine de l’éjaculation précoce est encore sujette à polémique. Diverses hypothèses ont été avancées, sur les plans physiques et psychologiques. Une prédisposition génétique a même été évoquée. Aujourd’hui l’explication physiologique passe avant tout par une théorie comportementale. La masturbation est une pratique physiologique, mais elle reste souvent vécue dans la culpabilité, ce qui ne favorise pas l’apprentissage du contrôle de la jouissance. Employée comme défouloir à la pulsion, de manière secrète, elle engendre une forme de pression « à faire au plus vite ». Nait volontiers ici la « mauvaise manie » du « jouir vite », plutôt que « jouir bien », d’autant que l’abondance d’images et de fantasmes amène à percevoir un niveau d’excitation très important. Bien entendu, il reste que l’excitation psychique est quelque chose de très personnel, subjectif, et peut varier d’un individu à l’autre selon plusieurs facteurs, dont l’éducation, l’imaginaire et les autorisations psychiques que l’on reçoit ou se donne.
De nombreux hommes sont donc éjaculateurs précoces, ce qui pose, dans un couple, la question de la manière d’appréhender la jouissance de chacun. La jouissance des partenaires ne répond pas à des critères cartésiens, et peut intervenir à un moment variable d’un rapport à un autre. Comment établir alors pour un couple donné, le « temps minimum » requis avant l’éjaculation ? Le degré de « performance sexuelle » est toujours variable, et surtout totalement subjectif selon les partenaires et leur satisfaction globale ! Ce phénomène est également lié à la fréquence des rapports sexuels (ou de la masturbation), mais sans toutefois être le seul déterminant. En effet, malgré une pratique sexuelle régulière, certains hommes restent très sensibles sur le plan de l’excitation, et lors d’un rapport avec leur partenaire, le moment de la pénétration peut toujours déclencher une éjaculation rapide.
Quelques clés pour aborder ce problème…
Faire évoluer un problème d’éjaculation précoce demandera de savoir repérer 2 niveaux d’excitation. Un niveau supérieur au-delà duquel l’orgasme et l’éjaculation surviendront de manière inéluctable, et un niveau inférieur, indispensable pour que l’érection se maintienne. Au-delà de ce préalable, l’accompagnement sexologique visera à aborder la façon dont les partenaires se regardent, s’écoutent et se touchent. Non pas qu’il faille arrêter d’être stimulé par l’autre, mais apprendre à le faire de manière à ce que cette stimulation soit contrôlée, régulière pour maintenir l’homme dans un état d’excitation « moyen », un peu à distance du seuil d’orgasme. Les partenaires se familiarisent ainsi avec un « slow-sex » qui permet prendre son temps en restant connecté à ses sensations. C’est un vrai apprentissage à deux pour trouver le chemin de la volupté.
L’approche sexologique est toujours un travail de redécouverte de son corps et du corps de l’autre dans leur globalité, dans un but de communication et de plaisir.
Et les médicaments dans tout cela ?
Aucun traitement médicamenteux n’a fait aujourd’hui la preuve de son efficacité réelle dans la prise en charge de l’éjaculation précoce. C’est en particulier le cas de certains anti-dépresseurs, commercialisés il y a quelques années, peu performants et, de plus, non dénués d’effets indésirables. Il existe toutefois un médicament qui a reçu l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM), il s’agit du « Priligy®», mais dont l’efficacité reste variable selon les patients. Il est du reste difficile d’imaginer qu’une substance chimique, quelle qu’elle soit, puisse réellement transformer ce qui reste avant tout un réflexe mal conditionné, une « mauvaise habitude » acquise. Tout au plus peut-on espérer qu’il existe un jour une molécule à même de faciliter temporairement un « apprentissage » basé avant tout sur l’évolution des comportements et des psychismes.
L’espoir est donc tout à fait permis, et l’expérience clinique montre que c’est un trouble qui s’accompagne très bien dès lors que le couple est motivé.
Richard s’est spécialisé dans l’accompagnement des troubles sexuels dans des situations de santé complexe. A l’obtention de son diplôme de sexologue, sa pratique clinique va s’enrichir d’une activité libérale consacrée à la prise en charge des troubles sexuels de manière plus large.
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