Quickie ou slow-sexe ?

Le monde semble pressé, ponctué de coups, de « quickies ». Des expériences rapides et intenses qui donnent le sentiment d’exister. Ne pas les vivre rend le quoridien mièvre. Pourtant le monde veut prendre son temps. Il se mondialise aux rythmes saccadés des visions sino-anglosaxonnes. Face à la compétition, à la consommation, à l’instantanéité, au contrôle de tout et tous, à l’urgence de tout, au « fast », au sexe rapide, se lève un monde dédié à la « slow life ». Tout peut ainsi se conjuguer en « slow » : la mode (slow fashion), les repas (slow food), les vacances (slow tourism), le jeu (slow play), … et le plaisir érotique autant que sexuel (slow sex).

Quoi, comment vivre alors ? Dans l’urgence ou dans la lenteur ? Est-ce naturel ou construit ? Ce monde est-il binaire ? Et pourquoi pas vivre les deux ?

L’intérêt pour les adeptes des « quickies »

C’est viser un plaisir express. L’orgasme est l’unique but recherché avec ou sans partage. L’autre (ou les autres) n’est (ne sont) pas essentiel(s), bien que souvent important(s) parce que le sexe rapide n’enlève pas l’amour. L’expérience peut être vécu solo. Et des fantasmes comme l’imaginaire érotique sont convoqués dans ce qu’ils ont de plus puissant comme source d’excitation sur la fonction reproductive et animale de la sexualité. Les quickies demandent de la vitalité pour des postures simples et aisées à mettre en œuvre. La sexualité peut être considérée comme un objet de consommation courante. Obtenir des sensations intenses relève alors du ludique. Dans le meilleur des cas le sexe rapide est du jeu parce que tous sont consentants. Ailleurs il peut toujours y avoir le risque de manipulation.

Il est vrai que l’époque peut contraindre les amants amoureux et/ou les parents à subir une charge mentale telle que les espaces temps pour se rencontrer l’un et l’autre deviennent rares. Les écrans ont pris beaucoup de place dans le quotidien de tous et de nombreuses sources de stimulations occupent l’esprit. Cela diminue les opportunités de rencontres intimes. C’est un peu pourquoi le minutage dit « préféré » des français pour une rencontre amoureuse et sexuelle est estimé en 2020 à une vingtaine de minutes (entre quelques dizaines de secondes pour les plus véloces à quelques dizaines de minutes pour les plus lents). Il était estimé à 30 minutes en 1990. Les différentes études, de Kinsey (milieu du XXe siècle) jusqu’à aujourd’hui comporte un biais intolérable en ne prenent en compte pour estimer la durée du rapport sexuel celle du coït de l’homme, entre le début de la pénétration et l’éjaculation… ce n’est pas cela une rencontre intime. Faire du sexe ou faire l’amour ne peut pas se résumer au coït du point de vue du pénétrant. Il faut le regarder et l’entendre aussi du côté du (de la) circlurant(e) (*).

(* Circlurer : engloutir, enrober, entourer la verge par des doigts, le vagin, la bouche ou l’anus.)

Pour les adeptes du « slow sex »

Il s’agit au contraire de questionner la sensorialité avant de s’engager trop en érotique, bien avant le territoire du sexuel. C’est cheminer finement au sein des émotions et des sensations. Privilégier la lenteur du geste et repousser loin, le plus tard possible, l’acmé orgastique. Le sexe lent fait appel à tous les sens. Les ambiances parfumées soutiennent les bruissements sonores au sein d’un espace finement décoré de formes et de couleurs apaisantes. C’est un appel à la poésie, au romantisme et quelque fois à la fonction sexuelle spirituelle. C’est une ode à être pleinement présent et conscient du partage en cours.

Dans le flux des approches dites de « pleine conscience », en faisant l’éloge de la lenteur, les adeptes du sexe lent refusent tout ce qui peut apparaître comme règles ou normes qui conditionnerai la rencontre intime. Ils disent trouver de la puissance et de l’intensité sensorielles en amplifiant la durée des expériences. L’occident a cette capacité à prendre le contre-pied de certaines de ses valeurs en allant chercher ailleurs, d’autres pensées, dans d’autres contrées. Il a aspiré dans ses syncrétismes (**) une version édulcorée du Tantrisme oriental (oubliant les approches similaires occidentales telle l’Alchimie) qui fait de la rencontre fusionnelle des complémentaires (homme et femme) un objet d’intense jubilation. Ici aussi l’imaginaire érotique et des fantasmes ajoutent de la saveur aux échanges qui ne sont pas vécus comme de vulgaires jeux mais ainsi que des moments magiques. Néanmoins, il faut reconnaître que ce mode de quête plaisante a un coût : en espaces et lieux pour la pratiquer, en temps mobilisé, en moyens financiers. Les charges mentale, parentale, professionnelle et sociale ne devant pas être lourdes voire absentes.

(**) Syncrétisme : mélange de valeurs, pratiques, philosophies lissant les différences culturelles en fabricant une nouvelle pensée (ex : le new-âge)

couple

Apprendre à s’aimer naturellement

Réconcilions donc « Quickie » et « Slow » car toujours la sexothérapie a raconté la voie du juste milieu. Elle consiste à manier le sexe rapide et le sexe lent selon le contexte et les possibilités de partage. Parce que s’enfermer par habitude dans le sexe rapide attriste les relations qui deviennent déséquilibrées, trop focalisées par la physiologie des « choses » sur le plaisir masculin. Parce que fantasmer inversement uniquement sur le sexe lent fait oublier le mécanisme physiologique de l’intensité orgastique, pouvant conduire les rencontres amoureuses et sexuelles dans les méandres de l’ennui.

Apprendre alors ou réapprendre à s’aimer naturellement c’est communiquer par tous les canaux sensoriels en respectant l’équilibre et l’harmonie de ses différentes identités (***) et de ses origines : structure familiale, culture et transmissions transgénérationnel.

(***) Identités : enfant de, femme, homme, non-binaire, parent, professionnel…

Faire du sexe librement

Librement implique l’absence d’entraves, donc une saine connaissance de soi, le respect de l’autre ou des autres (consentement). L’éclipse des contraintes est nécessaire afin de vivre le désir, d’écouter l’envie mais aussi d’accepter la pulsion et le besoin en soi. Toutes, expressions dynamiques des quatre fonctions naturelles de la sexualité.