Une résilience du couple à l’épreuve d’une histoire salie

Se souvenir

Nos histoires individuelles autant que nos histoires de couple ou familiales sont teintées de moments de bonheurs et d’autres moments plus difficiles. Imaginons une gamme traumatique allant de 1 à 9 d’intensité, nous pourrions établir sur la ligne du temps l’émaillage douloureux qui parfois nous entrave, nous bloque, d’autres fois nous freine dans le vie affective et sexuelle, et être surpris qu’il existe des traces similaires qui se répètent, parfois à l’image de cycles. En versus, avec une gamme enchantée de 1 à 9, nous pouvons établir sur la même ligne du temps la coloration délicieuse des joies et plaisirs intenses. Nous y lirons souvent aussi comme des impressions de cycles.

Sauf pathologies chroniques ou psychiatriques et évènements cataclysmiques contemporains (notion propre à chacun : deuils, abus, agressions, accidents…) de la vie de jeune adulte et d’adulte, ce sont les situations de l’enfance, de l’adolescence et les transmissions transgénérationnelles qui nous ressourcent et nous empoisonnent la vie amoureuse et intime. Nul besoin généralement de faire appel à une « psychanalyse », à une psychologie, alambiquées ou à une sexologie pour regarder en face les origines ou les sources du bien et du mal. Nous savons, mais pas toujours ou pas vraiment.

Le mécanisme de la mémoire traumatique quelquefois ne nous permet pas de retrouver la trace évènement à l’origine d’un trauma, de répétitions ou d’un cycle. Certains mandats familiaux entravent aussi cette remontée mnésique. L’émergence de ce type de mémoire étant très contextuelle et aléatoire.

Réfléchir

En regardant notre ligne du temps, dans notre histoire de vie voire dans notre génogramme (arbre de vie en analyse transgénérationnelle) nous pouvons, certaines fois repérer des répétitions (cycles) et donc un épicentre, une origine ou au moins une zone temporelle d’où émerge le cycle. Ce lieu méritera quelque attention, une analyse peut-être, une réflexion au moins. 

Certes, nous cherchons le bonheur en permanence, les plaisirs, et désirons nos objets de jouissance. Nous tentons de sortir de cycles chroniques de frustrations, de manques et d’ennuis, d’espérances déçues et de bonheurs écourtés. Pour cela, les sages anciens et les philosophes proposent diverses stratégies, souvent quatre, qui vont du divertissement (évitement-déni) au saut spirituel (espérance d’une autre vie) en passant par la fuite en avant (exagération-répétition) et enfin l’acceptation (refuser entretient le souci). Quant aux sexopsy, uro-gynéco et apothicaires (vrais et faux en ligne), ils ont des centaines de thérapies et remèdes à notre disposition. Qu’importe, pour revivre, nous choisissons toujours au mieux la stratégie-thérapie-remède qui nous convient au moment. 

femme qui réfléchit

Agir

Prenons évidemment une situation frénatrice de couple qui aurait tendance à faire des répliques. Une tâche dans notre histoire. Si nous espérons vivre mieux, nous nous en remettrons à autrui ou à un remède ou à la vie, au temps qui passe ou à un dieu. Quelle que soit la stratégie employée, elle ne fonctionnera pas, jamais ou trop partiellement (en dehors de l’effet placebo). Si nous voulons vraiment vivre mieux, le changement dépend de nous et la seule façon réside dans le vouloir, qui redonne du pouvoir, pour faire ici et maintenant.

Puis, c’est accepter la tâche telle qu’elle est et chercher son origine quitte à fouiller profondément, minutieusement dans les archives familiales. C’est oser l’affronter et mettre les mots sur l’origine du mal. C’est savoir. Oui cela peut être douloureux, mais combien oxygénant.

Bien sûr il est possible de se faire accompagner. Là apparaît l’idée de résilience assistée car une présence, une écoute, une main, des conseils voire des remèdes peuvent soutenir l’agir qui fera résilience dans le sens où notre route changera de direction vers un mieux vivre. Car seul, nous ne pouvons pas passer certains gouffres émotionnels comme traverser un fragile pont de liane au-dessus d’un précipice sans fond avec un grand vent. Une main ou une parole présente à nos côtés (conjoint(e), ami(e), thérapeute) contient chaque rafale qui aurait pu nous déstabiliser et nous faire tomber. Elle atténue les dangers et la traversée se fait, longue parfois, laborieuse, avec des retours ponctuels mais elle s’effectue. 

Prendre soin

Dans ces processus, la résistance du couple est souvent mise à l’épreuve, mise à mal, fragilisée et, au pire abîmée, détruite. Surtout si cela fait écho chez l’autre porteur elle/lui aussi de tâche(s) dans son histoire. Quel bonheur supérieur supplémentaire alors quand le couple traverse ensemble le pont de liane. 

Résilience implique changement dans la direction du chemin vie. Elle peut être vécue de façon subtile ou bien radicale. Individuellement, si l’on vit seul(e) cette solitude peut être aidante. Si l’on est accompagné(e), l’autre est essentiel à la transformation qu’il doit comprendre et soutenir au mieux de ses facultés et possibilités. Il est légitime de se sentir impuissant et de ne pas pouvoir aider l’autre en souffrance-questionnement. N’a pas le niveau d’empathie, d’amour, de patience, de volonté qui veut. Nul ne se prévaloir d’être indemne de tâches dans son histoire au risque d’être bloqué(e) face à celle(s) de l’autre. 

les couples peuvent traverser des épreuves difficiles

Ranger

Comme nous ne pouvons réellement oublier notre vécu, que nous devons gérer le présent, que nous espérons l’avenir, et qu’il semble que la capacité à faire face, la capacité attentionnelle, « l’énergie » (image-représentation) disponible soit limitée et différente selon chacun, il nous faut en permanence ranger les informations. Tout ce qui émerge en mémoire-émotion au fil de la quête du bonheur est trié mais partiellement rangé. Les mécanismes opérants à ce point laissent de la profondeur à la surface des éléments temporairement et apparemment utiles (en mécanisme de défense surtout). Prendre soin de soi à ce moment signifie trouver la méthode la plus efficiente-élégante pour ranger ces éléments éparts et polluants (de la relaxation au millepertuis en passant par ce qui empiriquement fonctionne pour soi : développement personnel, sport, art ou thérapie). 

Les ranger est impératif pour la venue de la tranquillité en soi. Les ranger est obligatoire pour que s’installe une quiétude amoureuse. Les ranger est indispensable pour revivre. Les ranger est essentiel au chemin de l’érotique. Se souvenir que ranger n’est ni oublier ni pardonner (il est des choses impardonnables), c’est se libérer.

Re-Vivre

La liberté intérieure ainsi créée donne de l’espace à la pulsion de vie. Elle peut désormais se mouvoir et faire. Par l’agir sur le monde intra (soi) et interpersonnel (le couple) naissent la volonté et la puissance. Je peux vouloir faire mon bonheur, notre bonheur. Je n’attends plus que cela vienne d’une cause extérieure, je n’espère plus être heureux demain. Je suis (à nouveau) acteur de mon chemin, et avec l’autre, de notre chemin ensemble pour jouir du bonheur dès ici et maintenant.