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Quand le numérique rend virtuel les liens
Les NTICs, leurs écrans et l’Internet sont des outils ouvrant à un espace de liberté incroyablement vaste, sans limite, qui semble infini, pour tous et tout particulièrement pour les plus jeunes.
Mais jouir de cet espace libre du monde virtuel, manier ses codes de communication n’est pas aisé voire s’avère dangereux quand on ne voit plus l’outil mais une réalité à sa place.
Les usages numériques sont déterminés principalement par leur fonction relationnelle en réseau : le ludisme, le sentiment de sociabilité, des éléments constitutifs d’une forme identitaire plus fictive que réelle (geeks, gamers et influenceur(seuse)s), ouvrant aussi sur de possibles rencontres en « vrai » mais plus tard et puis il y a de l’évasion, la fuite…
On ne peut pas nier que l’immersion dans un univers autre que sa réalité (le réel interprété par nos sens, notre mémoire expérientielle et traumatique) puisse apporter du plaisir, de la détente, une autre expérience du quotidien, un orgasme peut-être.
En dématérialisant les liens, le virtuel offre une interface entre les humains, qui, peut-être les protège dans un premier temps, les rassure quand ils sont éloignés en recréant le lien, mais surtout les éloignent rapidement des autres autant que d’eux-mêmes.
Le virtuel peut donc être un moyen de se reposer du monde, d’en éviter temporairement sa confrontation, de le fuir, de le fantasmer autrement, de l’enjoliver, de le rendre plus confortable et plus fluide, voire de le faire plus sûr, plus érotique et plus humaniste en faux.
Il est avant tout un tueur de désir érotique et sexuel dans le réel !
« Fake-sex » biberonné
Si ma génération, qui n’avait adolescent que la télévision et le cinéma comme écran, n’a vu apparaître les cellulaires et les PC domestiques qu’à partir des années 2000, les générations actuelles vivent avec les écrans et le virtuel depuis leur vie intra-utérine.
Après environ 20 ans d’apprentissage rapide pour la génération nées entre 1990 et 2010, les enfants qui arrivent aujourd’hui dans nos contrées, sont formatés, câblés au numérique à peine sortis du ventre de leur mère. Car elles n’auront de cesse de jouer, communiquer et manier les écrans, de sextos en sextapes, de leur ventre rebondi filmé à l’accouchement partagé, de commentaires en visionnages sensuels ou érotiquement savourés (photos, cams, vidéos).
Les enfants, on le sait, sont exposés très tôt à la sexualité adulte et malheureusement au porno. Les prépubères arrivant au collège y sont confrontés dès 11 ans, et si rien n’est dit, le mal s’installe. Le fake-sex devient la norme et la référence…
Une pyramide des besoins redessinée par l’Internet
Comme il existe une forme de pyramide ou d’échelle des besoins chez l’humain en société, on peut imaginer la même métaphore pour l’humain plongé dans le virtuel.
- Des besoins de base, physiologiques dans le sens où ils permettent de vivre. Ce sont les informations, la satisfaction rapide (porno).
- Des besoins de sécurité qui consistent en ce qui protège et permet de veiller sur soi et sur son environnement.
- Des besoins d’appartenance. Ce sont les réseaux sociaux spécifiquement dédiés à l’appartenance à un ou plusieurs groupes.
- Des besoins de reconnaissance. Tout ce qui permet d’être lu, de partager et de séduire…
- Des besoins d’accomplissement. Ce qui laisse une trace sur le NET, avoir de l’influence, communiquer/partager de l’érotique, du sensuel, du plaisir.
Le couple sous pression sociétale
Le quotidien des différentes identités (parents, professionnels, citoyens, amoureux/amants/maîtresse, enfants de lignées familiales) installe rapidement dans le couple des tensions, des non-dits facilement « gérables » par les écrans dans le sens où les lieux de satisfaction seront plus aisés à obtenir via le virtuel que de passer par la rencontre intime avec l’autre…après avoir régulé les soucis.
Les écrans, miroirs d’une sexualité mal partagée
Il est convenu par diverses études ces dernières années que la sexualité des couples a diminué (environ 25% des partages intimes en moins dans les pays développés) du fait de l’utilisation des réseaux sociaux et de la présence permanente des écrans partout et à tous moments de la journée.
Aussi remarque-t-on que chez certains couples ceux-ci servent à éviter le désir de l’autre, à le repousser « élégamment », à gagner du temps et surtout à trouver une source de satisfaction et de plaisir tout aussi puissante dans le virtuel qu’avec la rencontre intime quand elle est mal désirée.
Car il ne faut pas oublier le circuit de la récompense (biochimique et neuro-hormonal) du cerveau : toute activité, action, animation mentale (spiritualité, méditation…) source de plaisir intense rapide sera redemandée par le cerveau afin d’alimenter ce circuit…si une boucle se dessine, on y retourne… encore et encore en lâchant l’attention sur d’autres lieux de jouissance peut-être plus laborieux à obtenir. Le sexe partagé avec l’autre peut ainsi disparaître, phagocyté entre-autre par le numérique (risque d’addiction psychologique).
Paraphilies, cybersexe et prédations, quand les monstres rôdent
Evidemment que pour les plus jeunes et les plus fragiles vulnérables, le virtuel regorge de monstres, de prédateurs et de pédocriminels.
Mais pour les autres, des communautés dédiées à leurs fantasmes, libertinages et paraphilies (plaisir d’à côté…déplacements érotiques et sexuels selon une certaine « norme ») peuvent répondre à des désirs originaux et jubilatoires.
Il est aussi animé du cybersexe où les amants font l’amour à distance avec des objets connectés : sextoys, sous-vêtements bourrés de capteurs électriques qui prodiguent des caresses voire simule l’orgasme de l’autre, réalité augmentée, casque VR, androïde, un monde cyberesthésique jouissif…
Une nouvelle triangulation de l’amour partagé
Pour les jeunes, encore en découverte du monde, il faut alors imaginer une nouvelle triangulation de l’amour. Après celle de la période dite « œdipienne », qui serait une réplique à l’entrée dans la puberté, moment de l’adolescence qui ferait « rite de passage » où l’être (humain avec ses racines) se confronte d’un côté au réel qui est Nature et de l’autre au virtuel qui est écran sur lequel se déploie sa réalité.
Les réseaux sociaux et le cybersexe faisant lien entre les trois pôles.
Déconnection technique pour une reconnexion érotique
Pour les autres, déjà engagés dans une distanciation sensuelle et érotique où les écrans et les réseaux sociaux s’invitent en libertinage plus ou moins consenti, la seule solution est l’abstinence ! Non pas de sexe, mais d’écrans dont il faut se défaire ; du moins dans certains lieux du foyer et dans certains moments dédiés à l’humain sensible autant que sensuel.
Ensuite, lâcher l’instantanéité et la facilité de l’interface numérique pour relancer l’esprit et la mémoire érotique. Cela seul pouvant générer du fantasme et du désir.
La surface veloutée ou rugueuse de la peau de l’autre pouvant redevenir une nouvelle interface ouvrant sur de nouveaux mondes de plaisir, de nouveaux territoires sensibles à explorer.
Thierry est sexoanalyste transgénérationnel, il’intègre à sa fonction de sexologue des dimensions humaines autres que celles rencontrées habituellement.
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