Les facteurs de risque qui poussent une personne au suicide

Suicide : acte de se tuer consciemment, selon le dictionnaire. Avec un taux de 10 400 suicides par an et près de 90 000 tentatives par an, la France fait partie des pays les plus touchés par ce problème grave de santé publique. Si ¾ des victimes sont des hommes, les chiffres disent que les femmes sont majoritaires à faire des tentatives. Pour comprendre ce fléau, il convient de répondre à cette question : quelles sont les raisons qui poussent autant de Français à mettre fin à leurs jours ?

Les risques liés au travail

Le suicide, la santé et le travail sont des domaines étroitement liés. Une enquête Santé et itinéraire professionnel de la DRESS a permis de mettre de plus grandes précisions sur la manière dont les conditions de travail et la santé peuvent influencer une personne à prendre la décision de se suicider. 

La situation professionnelle des personnes ayant des pensées suicidaires 

« Le travail est un facteur de protection contre le suicide » affirme Terra J.-L., en 2011. Et si l’on se réfère aux chiffres, cette affirmation a tout son sens. Et pour cause, les personnes ayant des idées suicidaires sont, dans la plupart des cas, moins souvent en emploi (63 % des personnes en emploi présentent des idées suicidaires contre 83 % des personnes en emplois qui ne présentent pas d’idées suicidaires). Et lorsque ces personnes travaillent, le poste occupé est souvent à temps partiel. Aussi, les personnes ayant des idées suicidaires ne travaillent pas plus fréquemment dans le secteur public que les autres. Si l’on prend en compte les différents secteurs, les personnes qui occupent des postes en d’employés ou d’ouvriers sont plus nombreux à avoir des pensées suicidaires (63 % contre 51%). Par ailleurs, ce type de pensé ne traverse pas souvent l’esprit des personnes qui occupent des emplois de cadre ou de professions intermédiaires (30 % contre 39 %). L’explication de cette surreprésentation au plus bas niveau de la hiérarchie sociale peut prendre source au niveau des diplômes. En effet, selon l’explication donnée suite à cette étude, moins les diplômes seront élevés, plus les travailleurs seront tentés d’avoir des pensées suicidaires. 

La place du travail dans la vie de ces personnes 

Aussi, l’on constate que les personnes ayant des idées suicidaires sont également celles qui ont des sentiments exacerbés vis-à-vis de la place qu’elles ont sur le travail (qu’elles soient déjà en poste ou à la recherche d’un emploi) par rapport à leur vie. 18 % contre 5 % annonce que l’emploi ou la recherche d’emploi est beaucoup plus importante que tout le reste. À contrario, 12 % contre 4 % affirme que la recherche d’emploi n’est pas du tout importante. 

femme dépressive

Le rôle des risques psychosociaux 

L’organisation du travail peut donc influencer sur la santé mentale d’une personne. D’ailleurs, de nombreuses études montrent qu’il y aurait un lien important entre le travail et le stress chronique. Et c’est ce dernier qui pourra, par la suite, favoriser au passage à l’acte suicidaire. À l’inverse de cette situation, l’on peut également voir qu’un état dépressif marqué peut avoir une influence négative sur la perception des situations de travail. Tous les risques psychosociaux, que l’on appelle également RPS, au travail sont donc des risques sur : la santé mentale, la santé physique et pour finir, la santé sociale. Selon les études menées de front, ces RPS peuvent se catégoriser en 6 grands axes : 

1. L’intensité du travail et temps passé au travail 

La pression constante subit au travail, la place importante que le travail prend dans la vie de famille, le temps imparti pour la réalisation du travail, le manque de sommeil du à une dealdine beaucoup trop courte, la durée de travail qui excède les 48 heures par semaine, l’obligation de devoir se déplacer constamment à cause du travail, l’impossibilité de rester à la maison durant le week-end, l’obligation de devoir effectuer une quantité de travail importante, l’incapacité de trouver le parfait équilibre entre le travail et la vie de famille,…

2. Les exigences émotionnelles 

L’importance de devoir cacher ses émotions ou de faire semblant d’être de bonne humeur au travail, l’impossibilité de se montrer réellement tel qu’on est, la sensation d’insécurité ressentie au travail, le fait de devoir faire face à des tensions avec les clients tous les jours,…

3. L’insuffisance d’autonomie 

Le fait de devoir effectuer un travail répétitif sous contraintes de temps, l’impossibilité d’employer pleinement ses compétences au travail, le manque de liberté dans les tâches à effectuer au quotidien, le manque de spontanéité au travail, le planning conçu point par point au préalable, le fait de devoir faire face à des changements imprévisibles ou mal préparés,…

4. La mauvaise qualité des rapports sociaux au travail 

Le travail qui n’est pas reconnu à sa juste valeur par les cadres et les responsables, les mauvaises relations de travail avec les collèges et les responsables,… 

5. Les conflits de valeurs 

Le fait de ne pas avoir les moyens nécessaires pour la réalisation d’un travail de qualité, le fait de devoir faire des choses qui sortent de ses principes ou de son éthique, le manque de temps pour des actes que l’on devrait pourtant soigné d’avantage, l’inutilité de son travail vis-à-vis du regard des autres,…

6. L’insécurité de la situation du travail 

Le fait de devoir travailler avec la peur constante de devoir perdre son poste, les fréquences des expositions à risque pour son travail,…

Toutes ces situations ont été exposé aux différentes personnes à qui le test a été proposé. Les responsables du test ont ainsi pu attribuer une valeur comprise entre zéro et trois. Le score global est établi en additionnant les différents indicateurs partiels. Le score va ainsi de 0 à 18 en fonction du nombre d’expositions aux RPS. 

La reconnaissance des suicides liés au travail 

Chaque année, la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel SNCF établit des données concernant le nombre de suicides reconnus comme lié au travail. Ce nombre est particulièrement en hausse durant l’année 2011 car on a noté 4 personnes. Et pourtant, de 2008 à 2010 aucun suicide n’a été listé. De 2015 à 2017, 6 personnes se seraient suicidés à cause d’une situation liée à son travail, soit 2 par année. Pour 2018, ce chiffre descend à zéro. 

Les risques liés à la situation personnelle 

Outre le travail, les personnes ayant des idées suicidaires sont également nombreux à avoir un profil commun vis-à-vis de leur situation personnelle. On notera, entre autres : 

La situation socio-démographique 

D’abord, comme on aurait pu le remarquer dans la première partie : plus les personnes ont de haut diplômes, moins elles ont des pensées suicidaires. Et pour cause, parmi les personnes questionnées, 15 % qui ont un diplôme supérieur au baccalauréat n’ont pas des pensées suicidaires. Contre 51 % de personnes ayant un diplôme inférieur au baccalauréat et qui présente des idées suicidaires. Mais ce n’est pas le seul point sur lequel l’étude est basée. Selon l’enquête menée par la DRESS, 9 % des femmes et 7 % des hommes âgés de 40 à 50 ans souffrent de pensées suicidaires. L’on constate également que parmi ces personnes : les personnes en couple sont plus nombreuses à ne pas présenter des pensées suicidaires (82 % contre 63 %). 

Les problèmes de santé 

L’on constate également que les personnes ayant des idées suicidaires ont des indicateurs de santé nettement plus dégradés que les personnes qui n’ont en pas. 1/3 d’entre elles déclarent avoir une santé altérée ou des limitations dans leurs activités au quotidien, en raison de leur santé. Il est important de préciser qu’une personne avec un état de santé altéré peut présenter une santé mentale défaillante. Durant l’enquête SPI, les personnes affirmant avoir des idées suicidaires sont celles qui souffrent d’au moins une maladie chronique (55 % contre 33 %). Ces personnes sont également nombreuses à devoir faire face à des gênes dans leur vie quotidienne. Cela peut être au niveau des fonctions physiques sensorielles (la vue, par exemple) ou motrices (l’incapacité de manipuler des petits objets, par exemple). L’on constate, également, que les problèmes de sommeil, les malaises, les troubles et les problèmes d’indigestions sont souvent identifiés chez les personnes déclarant ayant des pensées suicidaires. Pour finir, l’indice de masse corporelle ou IMC est également souvent plus élevée chez les personnes ayant des idées suicidaires. Et pour cause : 23 % des personnes questionnées sont souvent obèses. 

personne adulte triste

L’isolement social

L’isolement relationnel et social est également plus marqué chez les personnes avec des pensées suicidaires. Certes, elles ont autant d’enfants que les autres mais sont souvent moins en couple (63 % contre 82 %). Pire encore, elles sont souvent en cours de séparation ou doivent vivre un veuvage. Résultat : ces personnes sont très souvent seules et vivent même, dans certains cas, une situation d’isolement importante (51 % d’entre elles n’ont pas d’activité sociale régulière au cours des douze derniers mois). Cette situation pousse, en effet, à moins de soutien psychologique.

Sources :

  • https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/profils-et-trajectoires-des-personnes-ayant-des-idees-suicidaires/
  • https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/nombre-de-suicides-dont-le-caractere-professionnel-a-ete-reconnu-par-la-cprpsncf/