Les français et le sexe ; la fin d’une passion ?

Selon un sondage IFOP réalisé pour l’entreprise de jouets intimes Lelo, le nombre de personnes ayant eu un rapport sexuel ces 12 derniers mois n’a jamais été aussi faible depuis 50 ans : 78% des hommes (contre 93% en 2006) et 74% des femmes (contre 89% en 2006), soit une baisse de 15 points par rapport à 2006. Cette récession concerne notamment les jeunes de moins de 25 ans. 

Comment expliquer cette diminution de l’attrait pour la sexualité ? C’est ce que nous allons tenter d’expliquer ci-dessous. 

L’impact des réseaux sociaux et des loisirs numériques

Les Français passent de plus en plus de temps sur leur téléphone (en moyenne 3h30 par jour selon le rapport annuel du spécialiste de l’analyse des données mobiles Data.AI) et leurs écrans de manière générale. L’avènement du smartphone et de son utilisation excessive est à l’origine de nouveaux comportements addictifs.

Par ailleurs, le nombre toujours plus important de films, de séries, de plateformes de vidéos à la demande contribue à ce temps passé devant les écrans ; on trouve toujours quelque chose à regarder, ce qui n’était pas forcément le cas il y a quelques années lorsque la télévision se limitait à quelques chaînes …

Enfin, scroller et regarder des séries est devenu un véritable moyen de décompresser, là où le sexe pouvait avant trouver sa place. C’est plus simple, cela demande moins d’efforts, on n’a qu’à appuyer sur play, et notre cerveau se met en pause …

femme en soutien-gorge rose allongée sur un lit

Démocratisation des sextoys et des « applis érotiques »

Depuis quelques années, on assiste à un développement et une démocratisation de l’utilisation du sextoy. Celui qu’on trouvait autrefois uniquement dans les sexshop glauques est devenu aujourd’hui totalement à la mode. Son design a d’ailleurs bien changé et est beaucoup plus attractif, l’accent est mis sur différentes formes de plaisirs et non plus sur l’unique pénétration par un pénis, et son utilisation est revendiquée et non plus taboue comme avant, synonyme d’assumer sa sexualité. 

Il est d’ailleurs de bon ton de posséder un voire plusieurs de ces jouets, et de l’assumer pleinement.

C’est positif en soi car cela permet de s’explorer, d’apprendre à connaître son corps ; mais le problème survient à mon sens quand l’utilisation du sextoy vient remplacer la relation sexuelle partagée. De plus en plus de personnes revendiquent en effet le fait d’obtenir leur propre satisfaction sexuelle par leurs propres moyens, et ainsi ne plus vouloir s’embêter à rechercher cela dans une relation avec un/une partenaire (une fois de plus, c’est plus simple et cela demande moins d’efforts…). 

Enfin, les nouvelles applis érotiques permettent certes de développer son imaginaire fantasmatique, mais le corollaire de cela est selon moi l’éloignement du réel au profit de la satisfaction du virtuel.

Pour résumer, il est plus facile d’obtenir un ou des orgasmes avec un sextoy qui fonctionne bien et qu’on sait utiliser, accompagné d’un audio érotique qui nous transporte, plutôt que de prendre du temps pour communiquer avec un/une partenaire, essayer, guider, parfois rater, en parler, etc. 

L’attrait de la facilité et du « tout, efficace tout de suite », éloigné de la sexualité partagée qui est avant tout une question de relation, de communication, et qui donc de fait prend du temps ! Et cela épargne la nécessité d’expliquer ce qui nous fait plaisir à l’autre, ce qui peut être gênant …

Les applis érotiques et les sextoys c’est bien, mais pas quand cela vient nourrir une forme d’évitement et éloigne de la sexualité réelle !

L’impact du porno

Le porno a à mon sens un impact très fort sur la sexualité des Français. En effet, il est accessible à tous très facilement, et les jeunes y ont accès de plus en plus tôt. Cela a d’ailleurs un impact sur les représentations qu’ils construisent de la sexualité, représentations bien souvent erronées. 

De plus, le porno est fait pour exciter rapidement et fortement, et le décalage avec la sexualité vécue dans le réel avec un/une partenaire peut rendre la réalité décevante, et amener à se contenter de séances de masturbation supportées par des vidéos X.

Rappelons également que le porno consommé en trop grande quantité peut entraver l’excitation sexuelle dans le réel (besoin de toujours plus de « trash ») et créer de véritables addictions. 

femme portant une chemise

Impact des applis de rencontres

L’utilisation massive des applis de rencontres ces dernières années a changé la dynamique de la sexualité : cette dernière est devenue pour ainsi dire un bien de consommation. On vient consommer du sexe comme on commande chez Uber Eat. La séduction, la montée de l’excitation, apprendre à connaître l’autre, la qualité de la relation qu’on crée, tout cela disparaît au profit de la quantité, des profils qu’on accepte ou qu’on supprime. 

Beaucoup de personnes consomment ainsi le sexe, et si ce n’est pas le cas, tombent sur des personnes dans cette dynamique-là, et en deviennent blasées et désabusées. Les gens se plaignent beaucoup de la qualité du lien dans le cadre des applis de rencontres …

On peut alors comprendre la perte de l’attrait pour la sexualité et pour aller vers l’autre de manière générale … 

Impact des problèmes sociétaux actuels

La crise sanitaire, la crise climatique, les problèmes politiques divers et variés, les guerres, le stress professionnel … autant de difficultés sociétales ayant des impacts sur le moral des gens, leur humeur, leur stress général. 

On note même l’apparition de nouvelles notions comme l’éco-anxiété, éprouvées par de nombreuses personnes.

Tous ces problèmes sociétaux depuis plusieurs années n’ont pas de lien apparent avec la sexualité mais ont clairement des répercussions dessus : quand on est déprimé, stressé, anxieux, fatigué par tout cela, on a clairement moins envie de faire l’amour, et c’est normal !

En conclusion, une analyse rapide des évolutions sociétales avec tous les problèmes que celles-ci engendrent nous permet de comprendre pourquoi les français font moins l’amour. 

Pour terminer sur une note positive, je citerais enfin l’impact de la vague #metoo : la parole s’est libérée, les femmes se forcent moins, exigent que leur plaisir soit pris en compte, et la notion de consentement s’est grandement répandue ! Pourrait-on aller jusqu’à dire que les femmes font moins l’amour mais mieux, et privilégient ainsi la qualité à la quantité ? Il faudrait le leur demander !