Le couple face aux quatre fonctions de la sexualité

La vie du couple, faite de hauts et de bas, semble souvent ignorer qu’elle est aux prises avec une pulsion de vie se déclinant dans plusieurs champs ou dimensions du quotidien dont la sexualité. Nous méconnaissons souvent le contenu réel de la fonction sexuelle, soit par une naturelle ignorance, puisque ce n’est pas ce qu’on ne nous enseigne de préférence, ni à la maison ni à l’école, soit par évitement. Celui-ci est généralement légitime, ce qui ne veut pas dire qu’il soit juste et bon, quand il répond à une éducation, une religion, une situation de handicap, une déficience entravante, un environnement dangereux (certaines régions du monde ne portent pas les sexualités dans leur cœur), un questionnement d’identité ou d’orientation sexuelle non abouti, un traumatisme ou une pathologie.

Les fonctions de la sexualité humaine

Dans les programmes et ateliers de Vie Affective et Sexuelle (VAS) pour les adolescents en cours de SVT de 4e et jusqu’aux manuels pour adultes (je ne parle même pas du porno) type le « Jouissance club » de Jüne Plä, seuls deux fonctions sont évoquées sur les quatre identifiables : principalement la reproduction avec son cortège de prévention santé et de contraception, et partiellement le plaisir et ses jeux amoureux, caresses et sextoys compris. Mais il y une fonction d’intégration sociale et une fonction spirituelle (ce qui n’a rien à voir avec la religiosité) généralement ignorées. C’est ce qu’on peut nommer le modèle S.P.R.I

Chacun d’entre-nous donne de l’intérêt et de l’attention à ces fonctions avec plus ou moins de puissance et de bonheur. Mais nous sommes quotidiennement malmenés par les représentations sociales et les flux d’informations qui nous saturent d’illogismes et d’irrationnalités. Aussi est-il compliqué pour les définir, de faire la différence entre des mots parfois synonymes tels que le besoin, le désir, la pulsion, l’envie, la satisfaction qui évoquent partiellement l’expression de ces quatre fonctions de la sexualité. Je ne complexifierai pas en évitant pour le moment de discourir sur les sexualités en termes de genres et d’orientations.

Des mots pour en parler

Le besoin raconte la nécessité de ce qui paraît essentiel et vital. Il parle de l’aspect conscient et rationnel d’une sexualité comprise plutôt comme animale et reproductive.

Le désir évoque la tension-sensation d’une attirance consciente ou non-consciente vers un sexuel partageable dans le réel ou dans le virtuel (rêve éveillé).

La pulsion est une poussée vécue d’une manière non-consciente, animale, instinctive, sans qualité précise, ni bonne ni mauvaise… ça pousse vers !

L’envie est proche et synonyme du mot désir.

La satisfaction est un éprouvé de réponses aux termes précédents. On peut y voir une forme de détente et de relaxation, d’apaisement d’une tension préalable, de plaisir.

couple qui s'embrasse

Un modèle d’aide sexothérapeutique, le SRPI

Le modèle SPRI se propose d’éclairer la place sexo-fonctionnelle de chacun afin de pouvoir échanger et clarifier les difficultés que le couple rencontre dans son intimité du fait d’inadéquations apparentes et/ou ponctuelles. Si tant est que l’on veuille ou puissions les changer puisque si les situations d’ignorances seront rapidement comblées, les situations d’évitement, elles, mériteront un plus long « travail ». (Ré)apprivoiser un corps et un esprit blessé dans un ESPT (Etat de Stress Post Traumatique), par exemple, demande de la patience et de l’amour de soi.

Détaillons-le

S pour Spirituel. De tous temps il y a eu des quêtes où le sexuel, la philosophie et la magie voire la mystique se rencontraient. Le tantrisme oriental en est un exemple. L’alchimie occidentale en est un modèle plus occulte et surtout moins étudié sous cet angle de pensée. Les traditions des rites à mystères antiques liaient aussi sexualité et recherche de l’éveil de l’esprit au-delà du commun et du quotidien. Plus en arrière dans le temps, des rites animistes ou chamaniques pouvaient voir la rencontre sexuelle ritualisée comme porte d’entrée de l’arrière-monde. On peut retrouver des vécus similaires dans les transes et bien évidemment dans la fusion orgastique avec l’autre que l’on aime (l’amour étant un ingrédient essentiel). Les deux deviennent un puis trois en faisant danser ensemble les deux énergies sexuelles qui se fondent en une unité nouvelle. C’est une démarche purement humaine.

P pour plaisir. Le cerveau est une machine à plaisir et le corps est équipé sensoriellement pour donner de l‘information si rien ne l’entrave, s’il n’y a aucune coercition et s’il est consentant. Les informations ressenties et vécues comme agréables enclenchent le système de récompense du cerveau qui inonde de neurohormones de plaisir le cortex et l’ensemble du corps. Mieux, cela s’apprend et dans les mêmes conditions, le mental nous rappelle le chemin pour accéder de nouveau au plaisir. Le summum étant l’orgasme et pas forcément réciproque. Le plaisir est solitaire ou partagé. Il débute dans la communication et la tendresse, s’amplifie dans la sensorialité, s’excite dans l’érotique et se déploie dans le sexuel. C’est vécu chez les grands mammifères marins ou terrestres, surtout les grands singes et les humains.

R comme reproduction. La pulsion de vie tente de maintenir l’espèce humaine coûte que coûte ce qui peut apparaître comme un besoin animal. C’est d’ailleurs ce qui se passe chez celles et ceux qui pour une raison ou une autre, refusent le plaisir ou n’y ont pas accès (non-consciemment), ils glissent dans la fonction animale générant l’installation de paraphilies ou de troubles de la sexualité. Toutes les espèces vivantes du buisson de la vie vivent cela.

I pour intégration sociale. Faire une famille ou une société. S’inclure dans une entreprise ou un groupe social est une expression de cette fonction sexuelle. Elle sert de régulation des groupe humains (tellement évident chez les bonobos nos proches cousins), du couple aussi. Cette fonction est très sensible aux représentations sociales et à la quête de sa place dans le monde. On voit cette fonction à l’œuvre chez toutes les personnes qui n’ont pas la liberté naturelle de se constituer un couple ou une famille ou de s’insérer dans un groupe humain (socioprofessionnel, artistique, culturel, religieux, sportif…). Dans le secteur médico-social, dans le milieu carcéral, chez les migrants… C’est une fonction partagée par une part des grands mammifères avec les humains.

Graphique du modèle SRPI

On peut ainsi établir pour soi (et avec autrui) une représentation graphique de l’espace occupé par ces quatre dimensions-fonctions de la sexualité :

Graphique SRPI

Il est possible d’évaluer sur une échelle de 1 à 8 le ressenti que l’on a, à l’évocation de chacune des quatre dimensions (zone 1 valant « peu » et zone 8 étant « beaucoup » d’intérêt donné). Ensuite partager, échanger et chercher les ajustements nécessaires à l’harmonie du couple.

ressenti 1 srpi
ressenti de couple SRPI