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Les injonctions sexuelles, qu’est ce que c’est, et qui est concerné ?
Les injonctions sexuelles correspondent à toutes les phrases toutes faites, idées reçues, qu’on entend depuis des années, avant même le début de notre propre sexualité, sur les «bonnes » façons de faire, les « bonnes » pratiques, ce qui se fait en la matière, ce qu’il est de bon ton de faire à chaque rapport, en tant que femmes comme en tant qu’hommes.
Elles sont répétées, transmises, et peu questionnées. Les gens s’y soumettent et y calquent leur sexualité, sans forcément prendre de recul. C’est pour cela que ces injonctions se répandent, se généralisent, et constituent une forme de norme.
Quelques exemples d’injonctions sexuelles :
Cette liste est non exhaustive :
- Il faut faire l’amour au moins 3 fois par semaine (sinon cela veut dire qu’il y a un problème dans le couple) ;
- Il faut jouir lors de chaque rapport sexuel (sinon c’est signe de figidité) ;
- Il faut tenir son érection, car un rapport sexuel doit forcément durer longtemps ;
- Une femme doit jouir lors de la pénétration ;
- Un rapport sexuel sans pénétration n’est pas vraiment un rapport sexuel ;
- Un/une partenaire qui ne pratique pas la fellation / le cunnilungus est coincé(e) ;
- Il faut aimer le sexe et pratiquer beaucoup ;
- Plus on a de partenaire, mieux c’est, car cela veut dire qu’on est libéré sexuellement et c’est bien vu.
On note aussi une certaine ambivalence, surtout concernant la sexualité féminine : une femme doit aimer le sexe mais pas trop, sinon elle est rapidement catégorisée et dévalorisée.
Les hommes pour le coup n’ont pas vraiment ce problème ; il faut « juste » qu’ils aiment le sexe, et le fait d’avoir une multitude de partenaire est plutôt bien vu et valorisant pour eux. Mais cela constitue tout de même une pression, celle de la performance !
A quoi sont-elles dues et qui les véhicule ?
Ces idées reçues et stéréotypées sont massivement véhiculées par les médias mainstream auxquels les jeunes et les moins jeunes ont à faire avant même le commencement de leur vie sexuelle : j’inclus ici les magazines, émissions diverses, articles de presse générale, etc.
Ces injonctions se transmettent également via le cinéma et la littérature contemporaine, la musique (dans les paroles et les clips), bref, tout ce à quoi les jeunes ont accès en masse aujourd’hui.
Par ailleurs, la pornographie est un grand vecteur d’injonctions sexuelles. Son accessibilité depuis quelques années fait que beaucoup de jeunes s’éduquent de cette manière, en regardant ces vidéos comme si c’était des tutos.
Le porno devient alors un véritable mode d’emploi de la sexualité, et vient s’ériger (sans mauvais jeu de mots) en norme sexuelle et en guide des bonnes pratiques, pour les jeunes qui ne pratiquent pas encore, mais également pour ceux dont la vie sexuelle est active. Elle vient donc littéralement conditionner les jeunes et bien d’autres à une certaine forme de sexualité, crue, exempte de sentiments, et souvent violente.
Les personnes sexuellement actives ont beau savoir que le porno n’est pas la réalité, elles se conforment quand même plus ou moins consciemment aux codes véhiculés.
Enfin, il est essentiel ici d’évoquer ce qu’on appelle communément la culture du viol, qui participe également largement à la diffusion de ces injonctions.
Quelles sont les répercussions de ces injonctions ?
Elles sont tellement fortes, répétées et entendues depuis des années que les gens y adhèrent, même inconsciemment.
Et comme de nombreux jeunes gens les entendent à de nombreuses reprises et les répètent même entre eux souvent avant le début de leur vie intime, ces injonctions constituent littéralement leur éducation sexuelle et deviennent leur normalité. Ils ne savent pas ou plus penser par eux-mêmes et ne s’écoutent pas forcément. Les conséquences peuvent être les suivantes :
Certaines personnes peuvent en arriver à faire des choses qu’elles n’ont pas fondamentalement envie de faire, sous couvert de « la sexualité c’est comme ça que ça se fait ». Remarquons d’ailleurs que si quelqu’un dit non à une certaine pratique, cette personne est alors rapidement jugée, stigmatisée et catégorisée. La pression sociale est donc très forte au niveau sexuel, et pour éviter la stigmatisation, de nombreuses personnes se forcent à faire des choses qu’elles n’aiment pas ou ne veulent pas faire.
Il peut apparaître des tensions dans le couple, si par exemple l’un des deux se désolidarise de cette pression sociale. Cela peut aboutir à des conflits, des négociations « parce que cela se fait », parfois des ruptures, mais d’autres fois et heureusement à des ajustements mutuels quant à ce que veulent l’un et l’autre.
Enfin, la comparaison plus ou moins consciente à ces normes somme toute inaccessibles peut créer des dissensions au sein du couple là où il n’y en a pas forcément au départ, des questionnements sur sa « normalité » ou son éventuelle « anormalité » qui n’ont pas lieu d’être, une baisse de la confiance en soi et de l’estime de soi, des complexes, de la dévalorisation … Et ces ruminations peuvent aboutir par la suite à une diminution progressive de la libido, qui elle peut avoir ensuite un impact réel sur la sexualité du couple. On voit donc bien le cercle vicieux ici !
Comment faire pour s’en libérer ?
Plusieurs choses peuvent être mises en place :
Dans un premier temps, apprendre à prendre du recul par rapport à ses injonctions, se demander si oui ou non on y adhère, si oui ou non cela nous convient, constitue une étape importante.
S’affirmer par la suite auprès de son ou ses partenaires, communiquer au sujet de la sexualité, dire ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas, ce qu’on veut ou qu’on ne veut pas. C’est tout à fait légitime, et de l’ordre de l’écoute de soi, ingrédient essentiel pour une sexualité épanouie.
Faire fi des jugements. L’essentiel est de s’écouter avant tout, de se respecter et de respecter l’autre.
Comprendre que la sexualité et la libido sont tributaires de ce qu’on vit dans notre quotidien est essentiel : on n’a pas forcément les mêmes envies en vacances détendu, que dans une période de stress où on a énormément de travail et des soucis personnels. Il est nécessaire de réhumaniser la sexualité, qui ne peut se vivre sereinement que si on est disponible pour cela.
Idem concernant le cycle féminin : on ne désire pas pareil selon le moment de son cycle, et essayer de calquer une sexualité identique à chaque phase est illogique et voué à l’échec.
Enfin, il est important de préciser que depuis quelques temps, des médias alternatifs (podcasts, comptes Instagram, etc.) contribuent largement à déconstruire toutes ces idées reçues, à relativiser, et aident beaucoup de personnes à s’affirmer dans leur sexualité, dans le respect d’elles-mêmes et des autres !
En cabinet libéral depuis 2013, Marjorie accompagne les femmes sur le chemin d’une féminité et d’une sexualité épanouies. Elle est spécialisée dans la prise en charge des troubles sexuels féminins et du traumatisme psychique (traumas sexuels, inceste, abus, maltraitance, deuil, accident, maladie grave …). C’est un métier qui la passionne !
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