Dialyse au citrate : un danger pour les patients ?

En octobre 2018, le Docteur Lucie Mercadal avait présenté une étude sur l’utilisation du citrate dans la dialyse. Les conclusions de l’étude étaient que les patients dialysés avec du citrate avaient un taux de mortalité supérieur de 40% par rapport à ceux qui utilisaient d’autres composés. Immédiatement, une polémique est née et de nombreuses associations de dialysés ont exigés le retrait de ce composé. Qu’en est-il exactement ? La dialyse au citrate représente-elle un risque pour les patients ?

Quelques mots sur la dialyse

Les patients atteints d’une insuffisance rénale ne peuvent pas éliminer l’eau en excès et les toxines de leur sang. En l’absence de toute intervention, cette situation peut conduire à la mort du patient en quelques semaines. 

hémodialyse
Le dialysat au citrate est introduit en France en 2012.

La dialyse ou plus précisément l’hémodialyse est un procédé visant à éliminer les toxines et l’eau en excès du sang du patient. Elle se fait sur une machine de filtration appelée dialyseur. Pour effectuer cette filtration sur membrane, le dialyseur utilise un fluide connu sous le nom de dialysat.

Plusieurs dialysats sont disponibles. A leur nombre, on compte les dialysats à base d’acide citrique (citrate), les dialysats à base d’acide chlorhydrique et les dialysats à base d’acide acétique. Le dialysat à base de citrate est utilisé par près d’un tiers (15000) des dialysés de France.

L’étude de la discorde

La polémique naît en octobre 2018, après que le Dr Lucille Mercadal ait présenté une étude observationnelle sur la mortalité des patients dialysés au citrate. Selon les conclusions provisoires de cette étude, présentée le 03 octobre 2018 devant un congrès de néphrologie, les patients dialysés au citrate auraient un taux de mortalité de 40% supérieur aux autres dialysés.

Cette étude conduite en 2015 n’avait pas fait l’objet d’une publication. La chercheuse, qui travaille à l’Inserm, avait utilisé des données du registre REIN ((Réseau, Épidémiologie, Information, Néphrologie). Cette étude avait ensuite été relayée par le journal Le Monde.

Il n’en fallait pas moins pour créer une polémique. L’association Renaloo, une association de malades du rein avait saisi l’ANSM et de nombreuses voix s’étaient élevées pour exiger le retrait du produit au nom du principe de précaution.

Dialyse au citrate : la réaction de l’ANSM face à la polémique

L’agence nationale de la sécurité du médicament a immédiatement réagi en convoquant une réunion. Le but de cette réunion qui a rassemblé les autorités sanitaires, ainsi que les médecins et les associations de patients était de réaliser une contre-expertise de l’étude du Dr Lucille Mercadal. 

Au cours de cette réunion l’agence du médicament s’est étonnée du fait que les résultats de cette étude datant de 2015 ne lui aient pas été communiqués. Elle a par la même occasion lancée une série d’études visant à vérifier les conclusions de la chercheuse de l’Inserm.

L’ANSM n’a pas demandé un retrait du citrate, mais elle a demandé à l’ensemble des parties prenantes de porter une attention particulière au produit en attendant les conclusions des études qui avaient été lancées.

L’association Renaloo à l’origine de cette initiative s’était félicitée de la rapidité avec laquelle l’agence du médicament avait réagi.

Les conclusions des contre expertises

En juillet 2019, l’Agence de la biomédecine (ABM) a produit un rapport dans lequel elle a confirmé que la dialyse au citrate ne présentait pas un risque de surmortalité pour les patients. En octobre 2019, trois autres études ont confirmé que ce dialysat ne comportait pas de risque supplémentaire comparé aux autres.

Contrairement à l’étude de la chercheuse qui portait sur les données de 25.000 patients, ces études portent sur une population de 100.000 dialysés. Elles concordent d’ailleurs avec les résultats d’études internationales comme l’étude de la DOPPS (Dialysis outcome and practice patterns study).

Forte de ces conclusions, l’ANSM publie un communiqué visant à rassurer les patients sur l’innocuité du citrate en matière de dialyse. L’agence a aussi publié sur son site web, un document visant à informer les patients et leurs proches.

Séance d'hémodialyse
Dans un communiqué de juillet 2019, l’agence de la biomédecine a conclu à l’innocuité du dialysat au citrate. Il ne serait pas associé à un risque relativement élevé de mortalité des patients.

Que retenir de la polémique sur la dialyse au citrate?

Au final, les études contradictoires ont démontré qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter et que la dialyse au citrate ne comportait pas un risque de surmortalité pour les patients. Toutefois, nombreux sont ceux qui ont critiqué l’attitude de l’ANSM de ne pas retirer le médicament.

Le problème est que ceux qui demandaient le retrait du médicament ne s’appuyaient sur aucune démarche scientifique et ignoraient les implications d’une telle démarche. Les médicaments étant issus de processus de recherche, il est déterminant que leur retrait ou leur maintien se fasse après travaux de recherche.

Une seule étude ne peut valider une théorie. Pour qu’elle soit confirmée, plusieurs travaux indépendants sont nécessaires. La décision de l’ANSM peut en choquer plus d’un, mais elle obéit à une démarche scientifique.

De plus, en dépit des conclusions des trois autres études, l’agence du médicament décide de maintenir la vigilance sur l’ensemble des dialysats. Les patients, les médecins et les agences de santé ont conclu de la nécessité de continuer les recherches visant à mieux connaître les dialysats.